Argiles

 

L'argile est un Silicate d'alumine hydraté. En théorie elle est composée de silice (SiO2), d'alumine (Al2O3) et d'eau, mais elle est quasi inexistante sous cette forme pure. Elle est en réalité enrichie d'impuretés en toute petite quantité (fer, calcium, alcalis, matières organiques...), sa composition varie selon sa provenance. Ces impuretés sont essentielles pour les potiers, elles apportent la plasticité à la terre, nous permettant de l'étirer, de la déformer, de la tourner sans la briser. Elles servent également à abaisser le point de fusion de l'argile à des températures plus accessibles. Avant d'arriver dans l'atelier conditionnée en pain de 10 à 20 kg, elle subit tout une série d'étapes, extraction, décantation, filtrage, épuration magnétique etc...

 

Faïence, Grès, Porcelaine...

Il existe différents types de terres, que l'on peut classer par leur composition, leurs propriétés ou leur température de cuisson.

 

La Faïence est une terre "basse température". Cette terre à la particularité d'être poreuse même lorsqu'elle est cuite à maturité. Il est donc essentiel de l'émailler, afin de lui conférer une certaine étanchéité. Il existe différentes sortes de faïence: blanche, rouge... Elles ne se cuisent pas toutes à la même température, mais celles-ci se situent en moyenne entre 950°C et 1100°C.

 

Le Grès est la terre que j'ai choisi de travailler. C'est ce qu'on appelle la "Haute Température". Il est imperméable même sans émail une fois qu'il est cuit à maturité. On a atteint la "plage de vitrification": à une certaine température, la silice contenue dans l'argile va subir une transformation physico-chimique et former un silicate complexe, qui rend la pièce étanche.

On peut tout à fait laisser les pièces telles-quelles, sans émail et s'en servir au quotidien. Mais quand on s'intéresse un peu à l'art et à la chimie de l'émail en particulier haute température, difficile de résister à l'envie de jouer à l'alchimiste et d'habiller les pots de couleurs et de matières, les possibilités sont alors infinies et la chimie de l'émail est passionnante. On le cuit en moyenne entre 1280°C et 1320°C.

 

La Porcelaine... Ah la porcelaine est une argile extrêmement pure, et qui a la particularité d'être translucide à faible épaisseur. C'est ce qui l'a rendue si précieuse et si célèbre. C'est une terre difficile à tourner mais qui supporte très bien d'avoir des parois fines et sa blancheur fait éclater les couleurs de l'émail. C'est la terre à poterie qui se cuit à la plus haute température: jusqu'à 1410°C.

 

La faïence, le grès et la porcelaine sont les trois terres utilisées par les tourneurs. Il existe d'autres types d'argiles, naturelles ou chimiques (vitreous, terre cuite...) utilisées dans l'industrie, ou dans la fabrication de briques, tuiles...

Emaux

Un peu de géologie, un peu de botanique, un peu de maths, de physique et beaucoup de chimie.

 

Il existe des émaux prêts à l'emploi mais à mon sens, le plus intéressant c'est de les fabriquer. Un émail est composé de trois types de matières premières que l'on mélange dans des proportions bien précises (que l'on connait grâce à la "formule moléculaire*") afin qu'il réponde à trois critères : qu'il soit étanche, alimentaire et qu'il cuise à une température particulière (1300°C):

 

-L'élément principal est la Silice, c'est ce qu'on appelle l'oxyde acide. Comme dans l'argile, son rôle sera de former un silicate. Lors de la cuisson les molécules de silice vont cristalliser et fixer les autres éléments chimiques dans un réseau très solide et complexe. Ces atomes (fer, titane, cuivre...) une fois pris dans la toile formée par la silice, ne bougeront plus. On l'amène généralement par des feldspaths réduits en poudre (anortite, orthose...), ou par de la silice pure (du quartz), et bien d'autres matériaux encore.

 

-Le deuxième élément est l'Alumine, l'oxyde amphotère. Elle est en général intégrée pure ou apportée par une argile, une cendre, elle est également présente dans le feldspath.

 

-Enfin, les oxydes basiques (calcium, magnesium, soude, potasse etc...) vont apporter la fusibilité à l'émail, mais également des couleurs, des effets tels que des cristallisations, nucléations, opalescence... On les amène soit purs, soit par des matières premières naturelles composées de divers éléments (Dolomie, Kaolin, Talc, cendre de vigne, de lavande, de chêne...). Le feldspath, en plus d'apporter une quantité importante de silice, va également contribuer à amener des oxydes basiques selon que ce soit un feldspath potassique, sodique, mixte, lithique.

 

On pourrai rapprocher la fabrication de l'émail des phénomènes géologiques de cristallisation des minéraux. Excepté qu'au lieu d'avoir lieu à des milliers de kilomètres sous la croûte terrestre, ces cristallisations ont lieu dans le four du potier. Lorsque l'on observe un bel émail à la loupe, on peut être surpris: bulles microscopiques, cristaux, nucléations, métallisations...

 

Il est possible d'intégrer à la composition d'un émail des matières premières que l'on trouve soi-même dans la nature: des roches, des cendres de végétaux, des marnes, des argiles... C'est un travail extrêmement long de recherche et d'analyse.  Parmi les potiers qui s'adonnent avec brio à cette recherche on peut citer Daniel de Montmollin, mais aussi Marie Duchesne http://www.rocdarguille.com/, ou Christian et Ariane Coissieux http://www.ecole-des-ceramistes.com/

 

* La "formule moléculaire" serait longue à expliquer. C'est une formule, une règle, qui nous indique les proportions de chacun de ces oxydes (amphotère, acide, basique) que le potier doit respecter lorsqu'il fabrique son émail, afin que celui-ci soit imperméable, alimentaire et qu'il fonde à la bonne température. Pour cela, on utilise le fameux tableau de Mendeleiev, les masses moléculaires et une bonne calculette, il y a là de quoi se manger le cerveau. Une fois qu'un émail est au point, on note la recette exacte (les pourcentages de matières premières) et les choses deviennent plus simples...